Simon Gauzy, bien plus que le troisième homme de l’équipe de France
Image : WTT
À l’Europe Smash, Simon Gauzy a confirmé son retour dans l'élite la plus restreinte. Avec un jeu fougueux et spectaculaire, le Toulousain a enflammé Malmö jusqu’aux portes de la finale face au n°1 mondial Lin Shidong. Une campagne étincelante qui lui permet aujourd'hui de réintégrer le top 20 mondial.
En Suède, Simon Gauzy a rappelé qu’il est le joueur des grands rendez-vous. Son parcours à l’Europe Smash restera comme l’un des plus beaux tournois de sa carrière. Dès son entrée en lice, le Toulousain s’est offert une victoire de prestige face au Chinois Lin Gaoyuan (3-2), un adversaire qu’il avait déjà dominé quelques mois plus tôt aux Mondiaux. Ce succès, acquis au terme d’un bras de fer haletant, a donné le ton : Gauzy était venu frapper fort. Il a ensuite confirmé son autorité en 16e de finale face à l’Américain Kanak Jha (3-1), puis déroulé contre le Belge Adrien Rassenfosse (3-0) en huitièmes, montrant un jeu à la fois spectaculaire et maîtrisé. Mais c’est en quart de finale que le Français a basculé dans une autre dimension. Opposé à Darko Jorgic, 11e mondial, il a livré un duel d’anthologie, sauvant deux balles de match dans un cinquième set irrespirable (14-12) avant d’arracher la belle pour l’emporter 11-8, sous les acclamations d’une salle conquise.
Une demi-finale de légende
Ce quart de finale, déjà monumental, n’était pourtant qu’un prélude à la pièce maîtresse de son tournoi. En demi-finale, Gauzy a frôlé l’exploit face à Lin Shidong, numéro 1 mondial et grand favori. Après avoir concédé la première manche, il a renversé la tendance avec panache, enchaînant trois sets gagnés avec son jeu de contre créatif, agressif et athlétique. S’il accusait le coup physiquement, ça ne se voyait pas : on avait parfois l’impression de voir un junior cavaler. À 3-1 en sa faveur, puis à 9-6 dans le sixième set, il a tenu le destin du match entre ses mains. Il ne manquait alors que deux points pour rallier la finale d’un Grand Smash, ce qui aurait constitué une première pour un Français.
Mais LSD a rappelé pourquoi il est au sommet du ping mondial : cinq points d’affilée pour renverser le set, avant de s’imposer dans la manche décisive (11-7). Au temps mort qui a tout changé, Wang Hao a dit à son poulain, entre autres, que “l’adversaire se bat très fort” et que lui “jouait dans le désordre, et qu’il ne pouvait plus réfléchir comme ça”. Une défaite cruelle sur le papier, mais une victoire symbolique immense. Comme face à Xu Xin au Mondial 2019 ou face à Wang Chuqin récemment, Gauzy a montré qu’il reste capable de bousculer les cadors chinois, et de pousser les meilleurs joueurs de la planète dans leurs retranchements. Au-delà du score, c’est l’émotion suscitée qui a marqué les esprits. Le public suédois, mais aussi tous les spectateurs du monde derrière leur écran se sont levés pour applaudir le spectacle offert par Simon.
Jouer pour le plaisir
En termes de timing, ce parcours arrive à point nommé. Comme une preuve par l’exemple. Dans une interview accordée à Ping Pang Effect il y a moins d’un mois, Simon Gauzy confiait avoir trouvé une nouvelle dimension dans son jeu depuis les Jeux de Paris : « Chacun le comprend plus ou moins tard dans sa vie d’homme ou de joueur, mais j’ai enfin intégré que le plaisir était l’essentiel, à 99 %. Parce que sans plaisir, je ne joue pas bien. Alors, il y a des gens qui peuvent dire “ouais, il joue pour le show”, mais ce n’est pas du tout le cas. Si je me fais plaisir, si je fais de beaux points, je sais que je vais bien jouer, et quand je joue bien, je peux battre presque tout le monde. »
Ce rapport au plaisir, il l’assume pleinement. Ses performances récentes, de sa victoire face à Lin Gaoyuan au Mondial 2025 à son épopée suédoise, en sont l’illustration. « Je prends un kiff monstrueux, c’est dans cette direction que je dois aller », résumait-il. Une approche qui transforme son rapport à la défaite : « Je gagne, je perds, je ne suis pas loin de gagner, j’ai des occasions que je ne prends pas, mais en tout cas j’en ressors très souvent avec le sentiment d’avoir tout donné, ce que je ne me disais pas avant. La défaite est plus facile à accepter. » Ce plaisir retrouvé s’accompagnait d’un niveau de jeu qui le plaçait au-dessus de son classement du moment. « Je connais mon ambition, j’ai envie de revenir dans le top 20. Je pense que si j’arrive à avoir ce niveau-là de manière régulière, j’en suis capable. » Là encore, la recrue de la GDV Hennebont n’en espérait sans doute pas tant : grâce à sa demi-finale à l’Europe Smash, il réintègre, un mois plus tard, le top 20 (place 17), un cercle où il n’avait plus mis les pieds depuis plusieurs années. Et il ne compte pas s’arrêter là.
Plus qu’un coéquipier, un leader
En bronze aux Jeux olympiques par équipes à Paris, en argent aux Mondiaux par équipes en 2024, le numéro 3 français a montré que sa présence reste déterminante dans les grands rendez-vous. Cette année, trois Français ont atteint les demi-finales d’un Smash : Alexis Lebrun à Singapour, Félix Lebrun à Las Vegas et Simon Gauzy à Malmö. À 30 ans, celui-ci incarne une figure de stabilité et de transmission : son expérience, son style de jeu flamboyant et sa capacité à hausser son niveau face aux meilleurs en font un repère sportif, mais aussi un modèle humain pour la génération grandissante.
« Ma personnalité fait que je me suis trouvé en tant que joueur un peu plus tard que la moyenne, nous disait-il, mais je pense que physiquement je serai encore bon pendant quelques années, donc j’ai envie de dire que mes meilleures années arrivent, enfin j’espère ! » Simon Gauzy est encore loin de tourner la page. Il est juste en train d’écrire le chapitre où il se cristallise comme figure multiple, à la fois d’expérience et d’ambition.