Quel est le vrai potentiel de l’actuel réservoir chinois ?

Quel est le vrai potentiel de l’actuel réservoir chinois ?

Image : WTT

 

Privée de Wang Chuqin, la Chine n’a pas réussi à s’imposer à l’Europe Smash. Pire encore, il ne restait plus que Lin Shidong en huitièmes de finale, un constat inédit pour une compétition de ce prestige, sur lequel il fallait revenir.

 

À Malmö, Truls Möregårdh a marqué l’histoire en devenant le premier joueur non chinois à remporter un Smash en simple messieurs. L’aboutissement d’une compétition masculine qui aura lentement filé entre les doigts de la domination de l’Empire du Milieu, jusqu’à ce que Lin Shidong (n°1 mondial) s’incline en finale après un duel épique face au Suédois. Ses compatriotes ont sombré très tôt : Lin Gaoyuan battu d’entrée par Simon Gauzy, Xiang Peng éliminé par Dimitrij Ovtcharov, et Liang Jingkun stoppé au deuxième tour par Adrien Rassenfosse. Dès les 8es, Lin Shidong s’est retrouvé isolé face au reste du monde, alors qu’il y avait encore quatre Allemands, trois Coréens et trois Japonais, une situation inédite. Depuis la création des Grand Smash, les titres masculins étaient systématiquement revenus à la Chine (Fan Zhendong, Wang Chuqin, Lin Shidong), ce qui reflétait jusque-là une domination sans partage. Le sacre de Möregårdh ouvre ainsi une brèche symbolique dans cette hégémonie.

 

Lin Shidong et Wang Chuqin : piliers fragilisés

La Chine reste au sommet grâce à ses deux leaders. Lin Shidong, 20 ans, est n°1 mondial depuis février. Wang Chuqin, désormais n°2, s’impose comme l’autre fer de lance – voire comme le vrai meilleur au monde –, auréolé du titre suprême en simple à Doha, ainsi que de sa victoire à l’United States Smash cet été. Mais derrière ces succès, des fissures apparaissent. Wang Chuqin a manqué son rendez-vous aux Jeux de Paris en simple, et a connu une période de méforme fin 2024. Lin Shidong, de son côté, séduit par son style aussi relâché qu’explosif, mais peine à maintenir la régularité attendue d’un n°1 : il n’a plus soulevé de trophée depuis le Singapore Smash en février. L’Europe Smash a confirmé cette fragilité : l’absence du champion du monde a laissé Lin Shidong sans véritable lieutenant, face à une concurrence internationale de plus en plus affûtée.

 

Liang Jingkun et Lin Gaoyuan en perte de vitesse

Liang Jingkun, malgré son statut de n°5 mondial, a enchaîné deux contre-performances inquiétantes : battu d’entrée par Lilian Bardet à l’US Smash puis sèchement dominé par Adrien Rassenfosse à Malmö. Ses soucis physiques semblent l’entraver, même si son talent brut ne doit pas être sous-estimé. Lin Gaoyuan, en revanche, traverse une véritable crise depuis un an et demi (sa finale de coupe du monde perdue en 2024 contre Ma Long lui a fait très mal). Désormais relégué au 29ᵉ rang mondial, il a quitté prématurément ses trois derniers tournois majeurs, éliminé par Álvaro Robles à Las Vegas, et par Simon Gauzy à Doha puis à Malmö. Connu pour sa fragilité mentale dans les moments décisifs, il enchaîne les déceptions et paraît incapable de retrouver le niveau qui fut autrefois le sien.

 

Une relève prometteuse, mais encore trop irrégulière

La nouvelle génération peine à confirmer. Xiang Peng (22 ans, n°8) a remporté le Champions d’Incheon au printemps, mais reste trop inconstant pour s’installer durablement au sommet. Chen Yuanyu (20 ans, n°19) alterne fulgurances et déceptions, comme l’a montré sa lourde défaite contre Harimoto (4-0), qu’il avait battu à Muscat. Wen Ruibo (18 ans, n°35) suscite, au contraire, un réel engouement : déjà tombeur de joueurs établis comme Darko Jorgic, finaliste d’un Star Contender et capable de pousser Calderano dans ses retranchements, il s’affirme comme un nom d’avenir. Enfin, Huang Youzheng (20 ans, n°47) intrigue par son style proche de Wang Chuqin. Auteur de victoires significatives (notamment contre Xiang Peng) et capable de mettre Harimoto en difficulté, il représente un outsider intéressant. Mais tous restent marqués par l’irrégularité et peinent encore à transformer leur potentiel en constance au plus haut niveau. 

Lin Shidong et Wang Chuqin portent aujourd’hui presque seuls une domination chinoise autrefois caractérisée par la force du nombre (Ma Long, Zhang Jike, Xu Xin, Fan Zhendong). Cette suprématie, longtemps incontestable, se retrouve désormais challengée par des nations en pleine progression, qui apprennent à tirer parti d’un réservoir moins injouable que jadis. Maintenant, il faut savoir raison garder. L’ascension fulgurante de l’actuel n°1 mondial a montré que la Chine est une lampe de laquelle sortent parfois des génies, et ce, presque du jour au lendemain. Contrairement au Japon, qui expose très tôt ses pépites au monde (les Harimoto, Sora Matsushima…), la Chine a tendance a attendre plus longtemps avant de révéler ses atouts. La partie visible de son iceberg semble atteignable, mais qui sait quels monstres elle cache dans les profondeurs de ses salles ?