Comment as-tu découvert le tennis de table ?
Mes parents sont médecins, et nous avions une table de ping-pong à la maison. Quand j'avais six ans, je les regardais souvent pratiquer ce sport le week-end, et c’est en les observant que j'ai eu envie de jouer. J'ai commencé à jouer avec mon père à la maison, et petit à petit, je suis allé dans un club, mais je voyais ça comme un passe-temps. Pendant deux ans, j’ai joué deux heures par jour, et à force de jouer, je me suis amélioré et j'ai commencé à participer à des tournois municipaux et régionaux. Avant de découvrir le ping, je faisais du patinage, mais je m'intéressais aussi beaucoup au cricket, qui est un sport très important en Inde. Ce n'est pas un sport national, mais il est très populaire dans le pays. Cependant, même s'ils en jouaient et que ce sport m'intéressait, mes parents ne voulaient pas que je joue au cricket. Ils m'ont encouragé à me concentrer sur le tennis de table.
En Inde, quelle place occupe le ping ? Est-ce un sport populaire, qui parle à tout le monde, ou est-il encore difficile d’accès ?
Lorsque j'ai commencé à jouer, ce sport n'était pas aussi populaire qu'il l'est aujourd'hui. J'ai commencé en 2006 ou 2007, et il n'y avait pas beaucoup d'opportunités à l'époque. Les gens considéraient souvent ce sport comme un loisir. Aujourd'hui, je dirais que c'est l'un des sports les plus émergents en Inde. Après les Jeux du Commonwealth 2018 et les Jeux asiatiques, l'Inde a obtenu de très bons résultats et la manière de percevoir le ping a beaucoup changé. Il y a maintenant beaucoup d'académies et de joueurs professionnels, qui ne voient plus du tout ça comme un passe-temps ! À la différence d’auparavant, c’est aussi devenu un sport lucratif. Les joueurs peuvent vivre de ce sport s'ils le pratiquent sérieusement. Sa couverture médiatique et sa reconnaissance internationale ont également augmenté, ce qui l’a rendu très populaire. Je ne dirais pas que c’est le sport n°1 en Inde, mais il se développe à un bon rythme. Le gouvernement a également commencé à investir, en sponsorisant des joueurs pour qu'ils s'entraînent à l'étranger et participent à des compétitions du WTT. Il fournit même un soutien financier pour que nous puissions rivaliser avec les meilleurs joueurs du monde.
Est-ce que cette reconnaissance s’accompagne d’une démocratisation de la pratique du ping dans les écoles notamment ?
Oui, le ping gagne aussi en popularité dans le milieu scolaire. Ce n'est pas le cas dans toutes les écoles, mais beaucoup d'entre elles disposent désormais d'une table de ping que les enfants peuvent utiliser pendant leur temps libre, ou dans le cadre de leurs cours de sport. Auparavant, ils ne jouaient qu'au cricket ou au football, mais maintenant ils peuvent aussi jouer au ping. C'est une très bonne chose, et nous avons maintenant de nombreuses compétitions scolaires et régionales. Si vous obtenez de bons résultats, vous pouvez aller à l'université et jouer contre des joueurs de haut niveau. Ce système de détection s'améliore de plus en plus.
Y a-t-il eu un moment particulier, un match ou une compétition, où tu as compris que tu pouvais devenir professionnel et faire carrière ?
Je me souviens qu'en 2011, pour moi, c'était encore un sport de loisir. Mes parents voulaient que je devienne médecin et que je me concentre sur mes études. Mais en 2011, j'ai commencé à participer à des compétitions de niveau national. J'y allais juste pour m'amuser et acquérir de l'expérience, mais à la fin de cette année-là, j'ai remporté trois tournois et disputé trois finales, devenant ainsi le numéro 2 du pays en moins de 12 ou moins de 13 ans. C'est à ce moment-là que mes parents, mes entraîneurs et moi-même avons réalisé que j'étais vraiment douée pour ce sport. En 2012, j'ai joué au niveau international lors de l'Indian Open, et j'ai remporté la médaille d'argent. Je me suis alors dit que je devais prendre ce sport au sérieux, j'ai alors déménagé pour m'installer dans un endroit où je pouvais progresser davantage. J’ai commencé à m’entraîner avec un coach chinois, et me suis penché sur l'entraînement physique et d'autres aspects que je n'avais pas beaucoup pratiqués auparavant.
Au contraire, y a-t-il eu un moment où tu as songé à tout arrêter ?
Non, jamais, parce que mon parcours a été vraiment extraordinaire jusqu'à présent. La courbe de mon niveau de ma motivation a toujours été à la hausse. À un rythme certes lent, mais qui n’a jamais stagné, et ne s’est jamais inversé. J'espère que ça n'arrivera jamais !
Vu de l’extérieur, on remarque que certaines joueuses indiennes ont développé un style de jeu très particulier, axé autour du picot. Peux-tu m’en dire plus ?
En Inde, beaucoup de joueuses utilisent en effet des revêtements à picots. Des picots courts ou longs, comme le modèle Gorilla de la marque Dr Neubauer. Si les entraîneurs indiens ont un mérite, c’est celui d'avoir formé d’excellents joueurs et joueuses qui utilisent ces revêtements. Beaucoup d'autres pays n'ont pas développé cet aspect autant que l'Inde. C'est quelque chose qui existe depuis un certain temps, mais ce n'est que récemment que nous avons eu des joueurs, et notamment des joueuses qui ont excellé avec cette technique. Je me souviens qu'aux championnats du monde, l'Inde menait 2-1 contre la Chine, avec notamment une victoire d’Ayhika Mukherjee contre Sun Yingsha, qui n’avait jamais perdu contre une joueuse européenne ou d’Asie de l’Ouest. Ça a donné beaucoup de confiance aux joueuses indiennes. La clé de notre succès avec ces revêtements, c’est le ralentissement du jeu et la variation d’effets, que nous apprenons énormément chez nous. Ainsi, au niveau national, personne n’a vraiment l’avantage, mais à l’international, nos adversaires habitués à la vitesse ont du mal à gérer cette variation. Les Chinoises en premier lieu, car elles sont très rapides. C'est un aspect très particulier du tennis de table indien, et j'espère qu'il continuera à nous être favorable.
Il y a eu un WTT Star Contender à Goa, penses-tu qu’un tournoi d’un niveau encore supérieur, comme un Champions, pourrait un jour se tenir en Inde ?
Le tennis de table indien a parcouru un long chemin. Auparavant, nos joueurs et joueuses n'étaient pas très compétitifs, mais aujourd'hui nous sommes classés numéros 9 mondiaux chez les femmes et 12 mondiaux chez les hommes. Et nous continuons à nous améliorer. Ce sport devient de plus en plus populaire en Inde, et la multiplication des tournois internationaux dans le pays nous donne l'occasion de nous mesurer aux meilleurs du monde, devant notre public. Pour les joueurs professionnels, c'est une grande chance de pouvoir observer les meilleurs joueurs mondiaux qui viennent concourir en Inde. En ce qui concerne la possibilité d'organiser un Champions en Inde, j'espère que cela se produira, même si ce n'est pas facile sur le plan financier. J'ai toujours rêvé de participer à un tel tournoi. Gagner un match dans cet environnement me donnerait une plus grande confiance en mes capacités. Ce tournoi, où s'affrontent les meilleurs joueurs du monde, nous apporterait une motivation inestimable pour travailler plus dur.
Tu joues à l’alliance Nîmes-Montpellier, peux-tu me parler de ton recrutement et de tes projets sportifs ? Quelles sont tes prochaines échéances ?
Je m’entraînais avant dans le club de Saarbrücken, en Allemagne, et j'étais très satisfait de mes progrès. Mais j’ai ressenti le besoin de saisir des opportunités nouvelles. C’est pourquoi j'ai contacté les frères Lebrun à Montpellier, et exprimé mon désir de représenter leur club. C’était au moment où ils ont rejoint Tibhar, qui est également mon sponsor et fournisseur d’équipements. Ils m’ont accepté, et aujourd’hui nous jouons en Pro A et en Ligue des Champions. M’étant entraîné en Allemagne puis en France, j’ai pu voir l’essor de ce sport en Europe ces dernières années, ça m’a donné le plein de motivation. J'étais n°140 mondial lorsque je suis arrivé en Allemagne, et après m'être entraînée là-bas, je suis monté n°80-85. Aujourd'hui, je suis classé 60ème, et j'espère entrer dans le top 50, puis viser le top 30, ce qui me permettrait de participer aux WTT Champions.
Peux-tu me décrire en quoi consiste ta collaboration avec Tibhar ?
Je joue avec des équipements Tibhar depuis 2012. En 2018, lorsque je suis devenu numéro 1 mondial des moins de 18 ans, les responsables de la marque m'ont contacté, et je me suis rendu en Allemagne pour m'entraîner. Ils m'ont proposé un sponsoring et un meilleur équipement. Par la suite, j'ai commencé à les représenter, et ainsi, depuis 2018, Tibhar est un acteur majeur dans mon parcours. En 2024, lorsque je me suis qualifié pour les Jeux olympiques, ils ont été les premiers que j'ai remerciés pour leur soutien continu.
As-tu des rituels quand tu es en repos ? Y a-t-il des activités que tu aimes pratiquer, des lieux que tu visites ou des aliments que tu veux manger ?
Dans mon temps libre, j'aime suivre le cricket, et en particulier l'équipe indienne. À part ça, lorsque je rentre chez moi, je prends toujours une célèbre boisson chocolatée appelée le "Coco". Elle est sucrée et ressemble à un milk-shake au chocolat. Quand on se retrouve avec ma famille, on adore regarder des films sur Netflix et jouer à des jeux comme FIFA. C'est ma façon de me détendre. J'ai aussi pour rituel de rendre visite à mes grands-parents, ou encore d'aller au temple avec ma famille pour prier. Noël approche, et j'ai l'intention de passer un peu de temps avec mes proches.
En dehors de l’univers du ping, as-tu des marques préférées ou des vêtements que tu aimes porter ?
Je collectionne les chaussures de sport, en particulier les ASICS, les Adidas Ultra Boost et d’autres sneakers et baskets comme les Air Jordan. J'adore les chaussures de course et j'ai essayé presque tous les modèles. En dehors du sport, j'aime aussi faire du shopping chez Zara, car c'est facile à trouver et très pratique.
Pang questionnaire.
Une musique ?
La musique de Bollywood me donne de bonnes vibrations, en particulier les chansons au rythme rapide qui me motivent à être performant.
Un film pang ?
MS Dhoni : The Untold Story, qui raconte la vie du légendaire joueur de cricket indien.
Une série ?
Prison Break, que j'ai commencé à regarder lorsque je suis arrivé en Europe. Elle est introuvable en Inde !
Un aliment ?
J'aime la malbouffe, en particulier les pizzas quatre fromages.
Une boisson ?
Le Thé glacé, et le Coco quand je rentre en Inde.
Une ville ?
Paris, forcément, qui représente mes premiers Jeux olympiques.
Un autre sport ?
Le cricket, et le foot, depuis que je joue à FIFA.
Et enfin, une anecdote ?
Lorsque je joue, je fais énormément de grimaces. C’est quelque chose que je n’arrive pas du tout à contrôler, et pourtant, j’ai essayé ! Autour de moi, dans mon club, mes collègues plaisantent toujours en me disant qu'un jour, je me blesserai à la mâchoire à force d'ouvrir la bouche, et que ce sera une première dans l’histoire du ping !
Propos recueillis par Jérémie Oro, au club Ping Pang Paris.