Ce que l’empêchement d’Hugo Calderano d’entrer aux USA dit du cap que doit encore passer le ping

Ce que l’empêchement d’Hugo Calderano d’entrer aux USA dit du cap que doit encore passer le ping

Image : WTT

 

La nouvelle a fait l’effet d’un séisme : Hugo Calderano, l’un des favoris du WTT United Smash, n’a pas pu entrer sur le sol américain pour jouer le prestigieux tournoi, en raison de problèmes bureaucratiques liés à l’obtention d’un visa. Au cœur de l’affaire, des voyages à Cuba, état considéré comme parrain du terrorisme par Donald Trump, effectués en 2023 pour participer aux qualifications des Jeux olympiques de Paris. On marche sur la tête.

 

 

Le meilleur pongiste américain de tous les temps ne pourra pas participer au premier WTT Smash organisé sur le sol américain. Prise à chaud, telle quelle, l’absurdité confondante de cette information raconte déjà quelque chose des temps actuels. À condition d’aimer le sport, tout le monde en sort perdant : le numéro 3 mondial en premier lieu, qui avait là une belle opportunité de graver un peu plus profondément son nom dans l’histoire du ping, en devenant le premier non chinois à remporter un Smash. Ensuite, l’histoire du ping elle-même, qui retiendra que le meilleur américain n’a pas pu jouer ce tournoi…américain. Les organisateurs – USA, WTT, entre autres –, qui n’ont à l’évidence pas fait le maximum, quand d’autres comités sportifs ont remué ciel et terre dans des situations similaires, on y reviendra. Les autres joueurs aussi, pour qui défier un vice-champion du monde a forcément une saveur particulière, sinon à quoi bon chercher à se dépasser ? Et enfin, nous toutes et tous, qui sommes privés d’un homme de pur spectacle dont le style allait pourtant bien avec cette folie banale à l’œuvre à Las Vegas.


Un problème administratif… et politique

Le sentiment de gâchis digéré, il convient de se pencher plus spécifiquement sur le pourquoi du comment de cet empêchement. Dans un communiqué, les équipes de Hugo Calderano ont expliqué qu’en tant que citoyen portugais, leur protégé n'avait normalement qu'à informer les autorités américaines de son arrivée via le système électronique d'autorisation de voyage (ESTA), étant donné que les pays membres de l'Union européenne bénéficient du programme d'exemption de visa. Face à un délai de traitement anormalement long, le n°3 mondial a contacté le service des douanes et de la protection des frontières, qui lui a appris qu’il ne remplissait plus les conditions pour bénéficier de l'exemption de visa. La raison : un déplacement effectué à Cuba en 2023 pour participer aux Championnats panaméricains et au tournoi qualificatif pour les Jeux olympiques de Paris 2024. 

En effet, depuis la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche, Cuba est de nouveau considéré par les autorités américaines comme un état “parrain du terrorisme”, ce qui annule de fait, pour toute personne qui y serait passée depuis 2021, quelque programme que ce soit d’exemption de visa. Cette politique consulaire avait par ailleurs été allégée par Joe Biden, et encore avant par Barack Obama (c’était le Cuban Thaw, révoqué par Trump en 2017), dans l’objectif d’un réchauffement des relations entre les deux états. Face à la situation, appuyé par l'Association américaine de tennis de table et le Comité olympique et paralympique américain, Hugo Calderano a entrepris toutes les démarches possibles pour obtenir un visa. Une demande de rendez-vous consulaire en urgence a été acceptée, mais aucun créneau disponible ne lui permettait de passer son entretien à temps pour rejoindre l’Infinity Arena le jour J. « C'est frustrant de ne pas pouvoir participer à l'une des compétitions les plus importantes de la saison pour des raisons indépendantes de ma volonté, surtout après des résultats aussi positifs », a-t-il déclaré.


Deux poids, deux mesures

Dans ce tournoi, Calderano n’est pas un cas isolé. L’internationale Turque Ece Haraç et le Maltais Amirezza Abassi se sont retrouvés dans une situation similaire, sans doute après un passage dans un autre pays blacklisté par l’administration au pouvoir. Abassi, notamment, a affirmé que l’ambassade américaine n’a pas tenu compte, dans sa demande de visa d’urgence, de l’invitation de la fédération américaine de tennis de table à participer à ce tournoi. Par ailleurs, il s’est produit, la même semaine, à peu près la même chose dans un autre sport : le volleyball. L’équipe féminine de Cuba s’est vue refuser l’accès à Porto Rico (USA) pour un tournoi de la confédération d’Amérique du Nord de volleyball. 

Pourtant, quand il s’est agi d’un sport d’une dimension radicalement autre, le football, une solution a été trouvée, envers et contre tout. Ayrton Costa, défenseur central argentin sélectionné pour la Coupe du monde des clubs à Miami, a d’abord vu sa demande de visa rejetée à cause de procédures de justice en cours suite à un vol aggravé en 2018, et une possible complicité du féminicide perpétré par son frère. Interdit d’entrée en terre américaine, il s’est finalement vu accorder un visa exceptionnel de 26 jours pour participer à la compétition. C’est dire si tout cela, au fond, ne résulte pas d’un vaste jeu d’influence entre les différentes instances sportives, olympiques et politiques. Eût-il fallu que le tennis de table soit un sport aussi puissant que le foot pour que Calderano obtienne un visa d’urgence et puisse participer à l’United States Smash ? On dirait bien. Voici donc le prochain cap que doit passer notre sport. À moins que se rendre Cuba pour jouer un tournoi soit vraiment, vraiment un crime impardonnable.