Image : ITTF

Suite au coup de tonnerre engendré par les annonces de Fan Zhendong et Chen Meng de se retirer du circuit WTT, de nombreuses voix se sont élevées contre les méthodes de l’instance. Parmi celles-ci figure Simon Gauzy, l’un des premiers à avoir dénoncé la précarité financière à laquelle font face nombre de joueurs et joueuses.

Ce pourrait être le moment de vérité espéré par de nombreux joueurs. Depuis l’annonce du retrait de Fan Zhendong et Chen Meng du circuit WTT, qui a fait l’effet d’une bombe sur la planète ping, certaines langues se délient quand d’autres poursuivent un combat débuté il y a parfois plusieurs années. C’est le cas de Simon Gauzy, l’un des rares internationaux à avoir dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas au sujet des méthodes du WTT. En effet, plus d’une fois le Français a pointé du doigt les difficultés qu’ont une majorité de pongistes à se retrouver financièrement sur le circuit. Le Cash Prize minimal des tournois les plus nombreux (Feeder, Contender et Star Contender) permettant à peine de couvrir les frais engagés pour y participer, les joueurs se voient soit forcés de renoncer à certains évènements (sous peine d’une amende), soit au contraire de les multiplier et espérer faire une fois un résultat qui rembourserait tous les autres. Exemple banal de cercle vicieux.

“J’ai l’impression qu’il n’y a qu’avec la potentielle retraite de Fan Zhendong et Chen Meng qu’on commence à peine à essayer de comprendre ce que je dis depuis 2 ans. Mais tant mieux si les gens réalisent enfin que ça pèse sur les joueurs. Même les tous meilleurs.” Simon Gauzy, sur X.

Face à l’avalanche de réactions suscitées par les annonces des deux champions olympiques (venant des fans comme d’autres joueurs pros), le WTT a tenté de calmer le jeu dans un communiqué. Celui-ci rappelle que le règlement sur les amendes pour forfait ne date pas d’hier, que des dispositions sont prises pour améliorer les conditions de travail des joueurs et joueuses (car c’est bien de ça qu’on parle), et que l’annonce du calendrier 2025 a été anticipée pour qu’ils et elles puissent plus facilement organiser leur emploi du temps. Une réponse pas vraiment à la hauteur du moment, qui n’a pas manqué de faire à nouveau réagir Simon Gauzy sur X, appuyé cette fois en commentaire par les deux frères Lebrun, dont les voix d’avenir comptent sans doute plus que jamais : “Déclaration non acceptée. Dire les faits sans rien changer, voilà ce que vous faites. Nous perdons des icônes de notre sport à cause de ces « règles ». Vous ne pouvez pas ignorer le fait que cela n'aide pas les joueurs. Il est temps de procéder à un VRAI changement.” Simon Gauzy, sur X.

Image : WTT / Weibo

Plus étrange, Fan Zhendong a lui aussi répondu au WTT sur Weibo, et ses mots ont de quoi interroger sur les rouages des hautes instances du ping : “Je suis sûr de n’avoir jamais été officiellement informé de ces amendes pour non-participation. […] J’ai reçu la semaine dernière le document officiel indiquant que le WTT appliquera strictement les dernières règles de pénalité à partir de l’année prochaine. Je l’ai reçu lundi, je l’ai signé et l’ai rendu le jour même.” Fan Zhendong, sur Weibo.

Une mise au point qui pose plus de questions qu’elle ne donne de réponse. Comment Fan Zhendong pouvait-il ignorer ce point crucial du règlement ? La Fédération chinoise payait-elle jusqu’ici les amendes sans en informer les joueurs ? On rappelle que le président de cette dernière et le directeur du WTT sont une seule et même personne : l’ancien champion du monde Liu Guoliang. Si l’affaire commence à réunir les motifs classiques du conflit d’intérêt au sommet du ping mondial, difficile à ce stade d’en percevoir les contours. Une chose est sûre, tout le monde n’a pas la même version, et Fan Zhendong et Chen Meng en ont fait les frais. Alors qu’une année s’achève et qu’une autre, très ambitieuse, commence, le débat est posé, pour ne pas dire complètement relancé. Qu’elle soit volontaire ou pas, la dernière contribution de Fan Zhendong et Chen Meng au circuit mondial du ping sera d’avoir courageusement rappelé à qui veut l’entendre que même si on les prend pour des machines, les sportifs de haut niveau demeurent des humains, avec leurs désirs propres et leurs limites. Un départ aussi triste que sublime, aussi rapide que salutaire pour toutes et tous.