Son heure est peut-être enfin venue

Son heure est peut-être enfin venue

Image : WTT

 

Finaliste malheureux du Singapore Smash pour la deuxième fois consécutive, et plus récemment de la coupe d'Asie, Liang Jingkun est de retour à la troisième place mondiale. À 28 ans, lui qui fut longtemps un lieutenant discret de Ma Long, Xu Xin et Fan Zhendong, voit enfin s’ouvrir un poste pérenne de titulaire dans l’équipe nationale, et peut rêver de Los Angeles. 

 

C’est ainsi que ça se passe. La Chine a beau être la plus grande nation du tennis de table, elle a le même nombre de places dans son équipe première que toutes les autres. De ce fait, il y a ceux qui prennent la lumière, raflent les titres et écrivent l’histoire du ping, et ceux qui les accompagnent, et dont la motivation et la qualité de relance sont salutaires. Ces lieutenants presque aussi injouables que leurs compatriotes – mais ce “presque” fait tout –, soumis aux mêmes sacrifices, à la même pression, et dont rêveraient toutes les équipes du monde. Liang Jingkun est de ces joueurs qui ont reçu beaucoup moins, parce qu’ils étaient un peu moins. Et pourtant. Substantiellement plus solide que Lin Gaoyuan, que de nombreux craquages ont écarté de la course olympique, il est devenu un spécialiste du come-back, capable de se transcender physiquement et mentalement pour triompher. Il s’est même quelques fois révolté contre cette place peu gratifiante sur le plan sportif et extrasportif, en battant Fan Zhendong (alors numéro 1 mondial) aux championnats du monde 2019, ou en célébrant ostensiblement une victoire contre Lin Gaoyuan en 2022, pour répondre au traitement médiatique de sa vie privée. Il avait alors pris trois mois de suspension par la Fédération chinoise. 

Liang Jingkun est de ces sportifs à qui il ne manque rien pour laisser une trace dans l’histoire de leur discipline. Maintenant que Ma Long et Fan Zhendong ont quitté le circuit ITTF, il devient de fait la figure d’expérience dont toute équipe nationale a besoin. À Singapour, il a joué le meilleur ping de sa carrière, notamment en demi contre Wang Chuqin – par ailleurs son partenaire du club provincial du Shandong – qu’il a complètement muselé dans une Arena pourtant acquise à sa cause. Une performance intervenue alors que le tenant du titre était de retour à son plus haut niveau, après les mois difficiles qui avaient suivi ses Jeux partiellement ratés. Il venait de remporter le WTT Finals de Fukuoka en survolant la compétition, et avait pris le dessus sur Fan Zhendong, puis Lin Shidong pour offrir le titre à son club en Chinese Super League. Le battre au meilleur des sept dans une telle période signifie beaucoup. En finale, Liang Jingkun perdra 4-2 contre Lin Shidong, se rendant responsable de la moitié des manches concédées par le nouveau numéro 1 mondial pendant le tournoi. Impérial sur les quatre premiers sets, c’est physiquement qu’il a ensuite lâché prise, mais une chose est sûre : ce Liang-là a le niveau et la personnalité d’un olympien. 

La semaine dernière, en coupe d'Asie, l'histoire s'est, à peu de choses près, répétée. Liang Jingkun a sorti un match de référence en demi contre Lin Shidong (4-3), mais s'est ensuite effondré en finale contre Wang Chuqin (0-4). Les battre l'un puis l'autre est sans doute à ce jour son plus grand défi. Outre les deux WTT Champions à venir, le prochain grand test n’est pas des moindres étant donné qu'il s'agit des championnats du monde individuels, qui auront lieu au mois de mai au Qatar. Déjà triplement médaillé de bronze (2019, 2021 et 2023), il a un coup à jouer pour sécuriser sa place de troisième homme fort pour les Mondiaux par équipes l’année prochaine, et pour imposer durablement son nom dans le calendrier olympique de Liu Guoliang. Le verra-t-on jouer, à 31 ans, les Jeux de Los Angeles ? On sait à quel point le réservoir chinois est fourni, et Chen Yuanyu, Xiang Peng, Xue Fei ou encore Huang Youzheng ont sans doute sa place dans leur viseur. Ils ont la jeunesse, il a la rage de vaincre. Son heure est peut-être enfin venue.