Médaille française historique à Doha : on fait le point à six jours de compétition
Image : ITTF
Texte : Alex Feutren
Entre éclats individuels et performances collectives, les Bleus ont vécu trois journées intenses à Doha. De l’exploit majuscule de Simon Gauzy à la médaille historique décrochée par Dorr et Bourrassaud en double, l’équipe de France a alterné frissons, confirmations et espoirs déçus. Retour sur les derniers moments forts de ces Championnats du monde 2025.
Jour 4 - Simon Gauzy fait chavirer les Bleus et Doha
Le quatrième jour des Championnats du monde a offert son lot de frissons, entre désillusion, performances de haut vol et exploits venus d’ailleurs. Si la journée a débuté sur une note amère pour les Français, elle s’est achevée dans l’euphorie grâce à un Simon Gauzy étincelant.
Simon Gauzy, capitaine courage
La journée avait mal commencé pour les Bleus avec le forfait d’Alexis Lebrun en simple, contraint de renoncer à cause d’une blessure persistante à la main. Mais c’est dans l’adversité que les grands joueurs se révèlent, et Simon Gauzy l’a brillamment prouvé. Dans la matinée, le doyen de l’équipe de France s’est offert un match à suspense face au Danois Anders Lind, remporté à la belle après de multiples rebondissements. Mais l’exploit du jour, c’est bien sa victoire en seizièmes de finale contre le Chinois Lin Gaoyuan. Mal embarqué après un premier set à sens unique, le Français a inversé la tendance avec brio, enchaînant les coups de génie et les retours improbables pour s’imposer 4 manches à 2. Une performance majuscule qui confirme son retour au premier plan mondial.
Une équipe de France combative et inspirée
Malgré l’absence d’Alexis Lebrun, les Bleus ont montré une belle solidarité. Le duel franco-français entre Charlotte Lutz et Jianan Yuan a tourné en faveur de la benjamine, qui a livré un match appliqué et audacieux. Prithika Pavade, fidèle à elle-même, a récité son ping avec autorité pour dominer la Slovaque Kukulkova en ligne droite. De son côté, Thibault Poret a tenu tête au redoutable Wong Chun Ting lors d’une belle bataille, malgré une défaite logique 4-1. Un apprentissage précieux pour le jeune nordiste. En soirée, Félix Lebrun a su parfaitement conclure la journée en contrôlant son match face au Coréen Oh Junsung. Une victoire construite avec rigueur et sérénité malgré quelques soucis au niveau des services, qui l’envoie lui aussi en huitièmes.
Le tournoi bousculé par une vague de surprises
Au-delà des performances tricolores, la planète ping a tremblé mardi à Doha. Plusieurs favoris sont tombés, victimes d’un vent de fraîcheur et de révolte venu de toute part. La Croate Lea Rakovac a pris une éclatante revanche sur Suh Hyo Won, douze ans après leur premier affrontement. L’Italienne Gaia Monfardini a, elle, signé l’un des plus gros coups de la journée en sortant la Hongkongaise Doo Hoi Kem au terme d’un match haletant. L’Afrique a aussi brillé avec Quadri Aruna, toujours aussi impressionnant, qui a dominé l’Allemand Benedikt Duda avec puissance et justesse. Dans le tableau masculin, l’Anglais Tom Jarvis poursuit sa belle ascension en écartant Chirita sans trembler. Côté têtes de série, les cadors ont globalement répondu présents : Lin Shidong, Wang Chuqin, Chen Xingtong ou encore Mima Ito ont validé leur billet pour la suite avec sérieux. Enfin, le double masculin a réservé une belle surprise avec la qualification historique des Égyptiens Abdelaziz et El-Beiali pour les quarts, une première africaine depuis plus de 70 ans.
Jour 5 : Les Bleus s’affirment, la planète ping se retourne
Alors que la tempête émotionnelle provoquée par Simon Gauzy la veille résonnait encore, l’équipe de France s’est remise au travail avec sérieux mercredi. Mais c’est là que les autres membres du collectif tricolore ont assuré le spectacle. Une journée marquée par des qualifications tricolores prometteuses, mais aussi par de grands bouleversements sur la scène mondiale.
Les tricolores en pleine montée de régime
Lancée par le 8ème de finale en double messieurs de Félix et Alexis Lebrun, la journée française a rapidement pris un bon rythme. Opposés à la paire suédoise Moregard/Källberg, les deux frères ont mis un peu de temps à entrer dans leur match, Alexis reconnaissant d’ailleurs une certaine nervosité au démarrage. Mais une fois la machine enclenchée, les Bleus ont dominé les débats, alignant trois sets solides pour s’imposer 3-1. Ce succès leur ouvre les portes des quarts, où ils retrouveront un duo de prestige : les anciens champions du monde Falck et Karlsson.
Peu après, Charlotte Lutz affrontait un défi colossal en la personne de Sun Yingsha, actuelle numéro 1 mondiale. Si la jeune Française a réussi à perturber brièvement la hiérarchie sur quelques points, elle n’a pas pu maintenir cette intensité sur la durée (défaite 0-4). Une élimination face à l’intouchable Chinoise, mais un parcours plus qu’honorable pour la Messine, riche d’enseignements pour l’avenir.
La belle surprise de la journée est venue du tandem Bourrassaud/Dorr. Sérieux et efficaces, ils n’ont laissé aucune chance à leurs adversaires hongkongais Chan/Wong. Victoire nette et sans bavure (3-0), et une qualification en quart de finale qui les place à une victoire d’une médaille mondiale. Leur prochain obstacle : la paire redoutable Ionescu/Robles.
En clôture, Prithika Pavade a confirmé son excellente dynamique. Opposée à la Roumaine Dragoman, elle a déroulé son jeu avec autorité pour signer une victoire sèche en quatre sets. Elle rejoint les huitièmes de finale, où l’attend un nouveau défi de taille : Wang Yidi, l'une des références du circuit chinois.
Chocs et renversements en cascade à Doha
Pendant que les Bleus avançaient, le reste du tableau mondial a été secoué par une série de résultats inattendus. En double mixte, la sensation est venue du duo japonais Yoshimura/Odo, qui a éliminé les favoris chinois Lin Shidong et Kuai Man (3-1). Une victoire impressionnante qui marque l’un des plus gros coups de ce tournoi. Autre séisme : la paire européenne Ionescu/Robles, tombeuse des Japonais Harimoto/Matsushima, pourtant têtes de série n°4. Un succès 3-2 arraché au mental après un match renversant, qui confirme la montée en puissance du duo roumano-espagnol. Le double dames n’a pas été en reste : les Allemandes Winter/Wan, menées 0-2, ont retourné la situation contre Tsai/Huang de Taipei pour s’imposer 3-2.
Côté simple, l’exploit individuel du jour est signé Patrick Franziska. Le joueur allemand a réalisé un come-back de légende face au Coréen Cho Daeseong, effaçant un déficit de trois sets pour finalement l’emporter 4-3. Une démonstration de résilience et d'expérience. Chez les femmes, Miwa Harimoto a remporté un duel d’exception face à Kim Kum Yong (4-3), tandis que Mima Ito et Hina Hayata ont dû s’employer pour se débarrasser respectivement de Bajor et Matelova. L’Italienne Monfardini, quant à elle, a vu son incroyable parcours s’interrompre face à la Sud-Coréenne Shin Yubin, non sans livrer une belle résistance.
Jour 6 : Une médaille historique pour Dorr et Bourrassaud
Sixième journée à Doha et nouvelles émotions fortes pour le camp tricolore. Alors que trois Bleus étaient engagés en huitièmes de finale des tableaux simples, tous les regards se sont finalement tournés vers le double masculin, où une performance exceptionnelle est venue illuminer la soirée. Entre exploits collectifs et fins de parcours honorables, retour sur les moments forts de cette journée.
Une médaille en double, 28 ans après
Florian Bourrassaud et Esteban Dorr ont écrit une page pour l’histoire ce jeudi. Opposés à la solide paire européenne composée de l’Espagnol Alvaro Robles et du Roumain Ovidiu Ionescu, les Français ont su faire preuve de sang-froid et de détermination dans un match à rebondissements. Menés à deux reprises (0-1 puis 1-2), ils ont su inverser la tendance dans les deux derniers sets pour s’imposer 3-2. Cette victoire garantit au duo une médaille mondiale, la première pour un double masculin français depuis 1997. Et l’aventure n’est pas finie : les demi-finales les attendent samedi. Une performance déjà mémorable pour les deux complices, qui ont su allier combativité et complicité dans les moments clés.
Trois Bleus stoppés aux portes des quarts
La journée avait pourtant commencé avec de belles promesses côté français en simple, mais la marche était un peu trop haute face à une opposition de très haut niveau. Prithika Pavade ouvrait le bal face à la redoutable Wang Yidi (n°4 mondiale). Si la jeune Dyonisienne a tenté d'imposer son rythme, elle a finalement cédé en quatre manches serrées, sans jamais réussir à vraiment inquiéter la Chinoise.
Simon Gauzy, lui, a démarré en trombe contre Wang Chuqin (n°2 mondial), menant deux sets à zéro avec autorité. Mais le Chinois a haussé son niveau de jeu pour renverser la situation et remporter les quatre manches suivantes. Une défaite frustrante pour le Toulousain, mais une prestation qui confirme qu’il reste capable de rivaliser avec les meilleurs.
Enfin, Félix Lebrun s’est incliné au terme d’un combat épique contre le Coréen An Jaehyun. Après plus d’une heure d’échanges intenses, la rencontre s’est jouée dans une septième manche irrespirable. Mené 8-1, Félix a tenté un retour inespéré, mais a fini par céder 11-9. Une défaite au goût amer, mais l’aventure continue pour lui en double aux côtés de son frère.
Ailleurs dans le monde : coups d’éclat et retournements
Sur la scène internationale, le Japonais Shunsuke Togami a signé l’un des plus beaux renversements de la journée. Mené, puis sauvant deux balles de match contre le Slovène Darko Jorgic, il s’impose finalement à l’issue d’un septième set haletant. De son côté, Tom Jarvis, révélation britannique de la semaine, a vu son conte de fées prendre fin face au Chinois Liang Jingkun malgré une résistance admirable.
Côté double, le duo de Chinese Taipei Lin Yun-Ju / Kao Cheng-Jui a provoqué une sensation en écartant les troisièmes têtes de série chinoises Lin Shidong et Lin Gaoyuan. Un match abouti, preuve de leur montée en puissance dans ce tournoi. Enfin, les champions du monde en titre de double mixte, Wang Chuqin et Sun Yingsha, ont connu une frayeur contre les jeunes Japonais Matsushima et Harimoto, avant de se ressaisir et de l’emporter en quatre manches. Une piqûre de rappel pour les favoris, dans une compétition où la hiérarchie ne tient parfois qu’à un fil.
Les Bleus ont tiré leur révérence en simple, mais continuent de faire vibrer Doha en double. Déjà médaillés, Esteban Dorr et Florian Bourrassaud joueront leur place en finale samedi, portés par une dynamique exceptionnelle. De leur côté, les frères Lebrun auront fort à faire vendredi face à la solide paire suédoise Falck/Karlsson en quart de finale.
Et si le rêve d’une finale 100 % tricolore devenait réalité ?