C’est officiel : Ma Long prend sa retraite
Une page se tourne dans l’histoire du ping, Ma Long est désormais un joueur retraité. À 36 ans, le “Dragon” laisse derrière lui une carrière sans équivalent, et un héritage voué à inspirer longtemps les pongistes du monde entier.
On n’est pas certains de mesurer pleinement l’ampleur de la nouvelle, et encore moins l’effet qu’elle a sur nous. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu le temps de nous y préparer. Mais le fait est que tout en rendant de plus en plus concrète l’inévitabilité d’une telle annonce, ces dernières années ont aussi laissé planer l’espoir qu’elle ne vienne jamais. À chaque fois qu’on a tenté de l’enterrer, Ma Long est revenu deux fois plus fort, consolidant mois après mois un statut que plus personne ne lui dispute : celui de plus grand pongiste de tous les temps. Si le “débat du GOAT”, intellectuellement discutable, est insoluble pour de nombreux sports, il n’existe plus vraiment au ping depuis les Jeux de Tokyo. C’est qu’aucun autre joueur n’a remporté autant de titres ni dominé la discipline aussi longtemps.
Ma Long fut successivement fils prodigue de la génération portée par Wang Hao, Ma Lin ou encore Wang Liqin, lieutenant puis homme fort de la suivante, auprès de Zhang Jike et Xu Xin, et enfin figure de proue de la dernière, devant Fan Zhendong, Liang Jingkun, Lin Gaoyuan, Wang Chuqin et tous les autres. Une longévité exceptionnelle au plus haut niveau – à l’image de celle de Jan-Ove Waldner –, dont il est difficile de se rendre compte sans citer quelques repères temporels ; voici donc : quand Ma Long devient champion d’Asie par équipe pour la première fois en 2005, Lin Shidong a quatre mois et demi. Quand il devient le plus jeune champion du monde par équipes de l’histoire en 2006, Félix Lebrun n’est pas né. Bref, on le croyait éternel tant il est devenu indissociable du ping tel qu’on le connaît depuis des années. Sa retraite ne constitue pas seulement une page tournée dans sa vie, mais aussi dans l’histoire du tennis de table.
Un palmarès unique au monde
On ne saurait viser l’exhaustivité dans notre description du palmarès de Ma Long. Sa lecture en serait des plus répétitives. Le “Dictateur” n’a pas seulement tout gagné, il a tout gagné plusieurs fois. Ayant passé au total plus de 70 mois à la tête du classement mondial, il est triple champion du monde en simple (2015, 2017 et 2019 après l’avoir été chez les juniors en 2004), double champion olympique (Rio 2016 et Tokyo 2020), trois fois vainqueur de la coupe du monde (2012, 2015 et 2024), quadruple champion d’Asie (2009, 2011, 2013 et 2023) et vainqueur de multiples Open à travers le monde. Sans parler de ses innombrables victoires par équipes avec la Chine (qui n’a pas laissé passer un seul titre mondial en près de 20 ans), et en double, que ce soit avec Xu Xin (champion du monde en 2011), avec Wang Chuqin (champion du monde en 2019), ou avec tant d’autres. Même s’il aura maintes fois été contesté, le règne de Ma Long sur le tennis de table international aura duré près de 10 ans, des championnats du monde 2015 à son titre déjà culte à la coupe du monde 2024 où, en reversant Lin Gaoyuan sous les yeux ahuris de son mentor Liu Guoliang, il aura joué un ping si relâché qu’il en était presque drôle – où comment montrer au monde qu’on a atteint le dernier sommet de sa discipline.
Le jeu parfait
Pourquoi nous pencher sur cette anecdote, alors qu’il y en a des centaines d’autres ? Elle est pour nous le symbole de ce qu’a accompli Ma Long pendant ses 20 ans de carrière, le réceptacle du secret de sa longévité. Si le temps ne semble pas avoir eu de prise sur lui, si les blessures l’ont presque toujours épargné, c’est non seulement dû au relâchement et à la fluidité exceptionnels de son jeu – là où d’autres semblent subir davantage l’impact physique de chaque coup –, mais aussi parce qu’il a su, comme personne, le faire évoluer au fil des ans. À cheval sur plusieurs époques, avec chacune leurs équipements et systèmes de jeux phares, Ma Long n’a jamais cessé de se réinventer. Quand il a fallu se rapprocher de la table à l’arrivée de la balle plastique, il est resté au plus haut niveau ; quand il a fallu progresser en revers parce que les échanges en vitesse s’y enfermaient de plus en plus, il est resté au plus haut niveau. S’il a élevé le coup droit à un point de perfection sans doute jamais vu dans ce sport, Ma Long a aussi le jeu le plus complet qui soit, et sera resté, jusqu’au bout, l’un des joueurs les plus difficiles à battre, notamment pour les joueurs non asiatiques. L’un des chiffres les plus célèbres quant à cette solidité étant son Head 2 Head avec Dimitrij Ovtcharov, dernier numéro 1 mondial non chinois : 21 victoires en 21 matchs pour Ma Long.
Figure absolue de la domination chinoise, ce qu’il laisse derrière lui est immense. Les pongistes du monde entier, quel que soit leur niveau, continueront d’observer ses matchs, son jeu de jambes, sa manière unique de traverser la table en coup droit, sa force mentale, l’intelligence de son tennis de table. Le plus grand joueur de tous les temps quitte les aires de jeux professionnelles, mais nul doute que nous le reverrons jouer en exhibition ou en compétition caritative. Peut-être coachera-t-il aussi, comme son aîné Wang Hao, et donnera aux jeunes Chinois le conseil le plus précieux qui soit pour faire face aux situations périlleuses : ce que lui, s’il était à la table, ferait.
Source : ITTF
Source : Xinhua
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