United States Smash : un tournoi historique pour le ping tricolore

United States Smash : un tournoi historique pour le ping tricolore

Image : WTT

 

À Las Vegas, les Bleus ont joué cartes sur table, et touché le jackpot. Portée par un Félix Lebrun et un Lilian Bardet éblouissants, la délégation française a livré un de ses meilleurs tournois internationaux de ces dernières années. Retour sur l’accomplissement collectif au cœur d’une semaine historique pour le ping tricolore.

 

Les frères Lebrun, en argent avec la manière

La complicité des frères Lebrun a encore frappé. Alignés en double messieurs, Félix et Alexis ont réalisé un parcours de très haut niveau, concluant leur semaine avec une magnifique médaille d'argent, une première pour les Français dans un Smash.

Exemptés de 1/16e de finale, les deux frères ont débuté leur tournoi face aux jeunes Polonais Kulczycki et Redzimski, une paire en pleine ascension. Un match piège qu’ils ont maîtrisé malgré un léger accroc dans le deuxième set (3-1). En quart de finale, face à la paire expérimentée Benedikt Duda / Dang Qiu, ils ont fait parler leur complémentarité et leur gestion des moments chauds pour s’imposer à nouveau en quatre manches (11-4 / 11-9 / 9-11 / 12-10). Mais c’est en demi-finale que les deux tricolores ont signé leur plus grand exploit du tournoi de double : une victoire impressionnante face à la paire chinoise Liang Jingkun / Wang Chuqin, l’une des références mondiales. Un 3-0 net et sans bavure (11-8 / 11-6 / 11-8), qui a fait sensation, et les a propulsés en finale.

Le titre leur tendait les bras. Opposés aux Sud-Coréens An Jaehyun et Lim Jonghoon, les frères Lebrun débutent la finale tambour battant, empochant la première manche 11-4. La dynamique semble alors favorable, d’autant qu’ils mènent 10-6 puis 11-10 dans le deuxième set, avec cinq balles pour faire le break. Mais ils laissent filer la manche, une bascule mentale qui changera tout. Les Coréens en profitent, s’imposent 13-11, puis déroulent leur jeu pour empocher les deux sets suivants (11-5, 11-6). Score final : 1-3. Malgré la frustration d’une finale qui leur échappe de peu, les frères Lebrun repartent avec une superbe médaille d'argent, et surtout, des certitudes. Leurs performances contre certaines des meilleures paires mondiales confirment qu’ils peuvent viser l’or dans les grandes compétitions internationales à venir.

 

Félix Lebrun, magicien du Nevada

Il est jeune, il est flamboyant, et à Las Vegas, Félix Lebrun a encore écrit une page mémorable de sa jeune carrière. Opposé au gratin mondial, le Montpelliérain a enchaîné les prestations de haut vol tout au long de la semaine, confirmant ses positions au plus haut niveau mondial.  

Dès le 1/32e de finale, il a pris la mesure du Japonais Shunsuke Togami dans un match accroché (3-2), avant de sortir vainqueur du duel 100 % français contre Simon Gauzy en 1/16e (3-1). En huitièmes, il retrouve Benedikt Duda, un adversaire qui lui a souvent posé problème par le passé. Cette fois, Félix sort vainqueur d’un impressionnant bras de fer mental (11-2 / 11-9 / 10-12 / 6-11 / 11-8), inversant une dynamique jusque-là défavorable. En quart de finale, il affronte son compatriote Lilian Bardet, révélation du tournoi. Et là, le cadet des Lebrun réalise une démonstration : 4-0 sec, avec une maîtrise totale (11-3 / 11-8 / 11-3 / 11-2). Une victoire nette, qui le propulse en demi-finale face au Chinois Wang Chuqin, n°2 mondial.

Ce duel au sommet fut sans doute le plus beau match du tournoi. Dans une ambiance flamboyante, les deux hommes se sont rendus coup pour coup pendant sept manches intenses. Félix a su élever son niveau de jeu, répondre aux accélérations foudroyantes de Wang et varier avec intelligence. À 3-3, tout se joue dans une ultime manche de haute tension. Après avoir sauvé 3 balles de match, Félix cède finalement sur un démarrage un poil hésitant. Défaite cruelle, mais apprentissage précieux.

 

Lilian Bardet, la révélation

Il n’était pas attendu à pareille fête, mais il a fait vibrer tout le tennis de table français. Engagé dès les qualifications, Lilian Bardet a signé un parcours héroïque au Smash de Las Vegas, enchaînant les performances de haut vol pour s’offrir une place parmi les huit meilleurs. Dès le premier tour des qualifs, il s’impose dans un duel accroché face au Coréen Lee Seungsoo (3-2), avant d’écarter le Hongkongais Lam Siu Hang (3-1) puis le Sud-Coréen Taehyun Kim dans un nouveau match à suspense (3-2). Un parcours déjà solide, teinté de génie – un coup derrière le dos –, qui le propulse dans le grand tableau avec une confiance décuplée. Mais c’est en 1/32e de finale que Bardet est touché par la grâce. Face à Liang Jingkun, n°5 mondial et poids lourd du circuit, il livre un match d’une intensité remarquable, s’imposant 3-2 pour ce qui restera sans doute comme l’un des plus grands exploits de sa carrière.

Boosté par ce succès, il enchaîne en 1/16e contre l’Allemand Ricardo Walther, pourtant difficile à manœuvrer, avec un match d’une aisance affolante. Nouvelle perf. En huitième, c’est le danois Jonathan Groth, aussi expérimenté que redouté, qu’il domine dans un match encore une fois très disputé (3-1), sauvant des balles cruciales avec sang-froid et professionnalisme (deux fois 14-12). Son rêve s’est arrêté en quart face à Félix Lebrun, premier compatriote sur sa route. Bardet est battu sèchement 0-4 (3-11 / 8-11 / 3-11 / 2-11), mais cette défaite ne ternit en rien son tournoi extraordinaire, couronné d’un bond de géant dans le classement mondial. À 22 ans, Lilian Bardet a démontré deux choses à Vegas : 1/ qu’il pouvait rivaliser avec les meilleurs mondiaux et jouer les trouble-fêtes sur les plus grandes scènes, et 2/ qu’en aucun cas la dynamique actuelle du ping tricolore s’arrête aux stars.

 

Des bleus qui frappent partout

Derrière les têtes d’affiche, plusieurs Tricolores ont brillé au Smash de Las Vegas, confirmant la densité du haut niveau français. À commencer par Alexis Lebrun, auteur d’un très bon début de tournoi. Sérieux et appliqué, il s’est imposé avec autorité face au Polonais Milosz Redzimski puis au Japonais Yukiya Uda, deux succès en trois manches. Mais en huitièmes, l’histoire a basculé face à Yuta Tanaka. Un match très accroché, où l’arbitrage a joué un rôle crucial : deux services d’Alexis sont donnés faux coup sur coup, à 5-5 et à 6-5, dans la manche décisive. Un double coup de massue, totalement incompréhensible, sur lequel nous reviendrons dans un article réservé à cette TTR. Après une bataille acharnée pour rester dans la partie, Alexis s’inclinera, meurtri. Du côté de Simon Gauzy, le parcours fut plus court, mais logique : vainqueur facile d’Aditya Sareen au premier tour, il est tombé sur plus fort en 1/16e... face à Félix Lebrun, encore une fois en WTT. À l’inverse, Thibault Poret a marqué les esprits. Opposé d’entrée au n°1 mondial Lin Shidong, le Français a bousculé le phénomène chinois jusqu’à la belle, sonnant une révolte globale contre la domination chinoise. Il s’incline 2-3, mais repart de Las Vegas gonflé à bloc pour l’Europe Smash.

Chez les dames, Jianan Yuan a une nouvelle fois été la locomotive du clan tricolore. En battant sa bête noire Bernadette Szocs puis en maîtrisant Amy Wang, elle a validé un très bon huitième de finale, où elle s’incline face à la redoutable Chen Xingtong. Un parcours sérieux et cohérent, qui confirme son rôle de référence dans l’équipe. Les autres Françaises ont connu des fortunes diverses. Prithika Pavade a bien lancé son tournoi face à Mariam Alhodaby, mais a buté sans ménagement sur Mima Ito, l’une des meilleures joueuses du monde. Charlotte Lutz s’est illustrée en qualifications avec deux victoires convaincantes, avant de tomber contre la Portugaise Fu Yu. Audrey Zarif et Camille Lutz, elles, ont vu leur parcours s’arrêter dès le premier tour qualificatif.

En double mixte, Prithika Pavade et Simon Gauzy ont passé un premier tour solide contre les Saoudiens Abdelaziz / Alhodaby (3-1), avant de croiser la route des Espagnols Robles / Xiao, classés 6e mondiaux. Un défi de taille, que les Bleus n’ont pas su relever malgré un sursaut dans la troisième manche (défaite 1-3). En double dames, Prithika Pavade et la Portoricaine Adriana Diaz avaient bien démarré, s’imposant aisément face aux Serbes Lupulesku / Surjan. Mais en 1/8e, elles sont tombées sur les Chinoises Sun / Wang, têtes de série n°1 et ultrafavorites du tournoi. Le score est sans appel (0-3), reflet de l’écart de niveau encore perceptible face à l’ogre chinois. Ce Smash de Las Vegas a offert bien plus que des paillettes à cette irrésistible délégation : des repères, des certitudes, et une vraie dynamique collective. Les Bleus ont frappé fort.