Tomokazu Harimoto fête ses 10 ans en pro : “Wonder kid” et déjà légende ?

Tomokazu Harimoto fête ses 10 ans en pro : “Wonder kid” et déjà légende ?

Image : ITTF

 

Le 27 juin dernier, jour de ses 22 ans, Tomokazu Harimoto s’est offert le WTT Contender de Zagreb en battant Chen Yuanyu en finale sur le score de 4-0. Une victoire symbolique pour le fils prodigue du ping, qu’une précocité sidérante aura propulsé sur le circuit professionnel avant ses 12 ans, et qu’une mentalité exemplaire maintient sans faiblir parmi les meilleurs. 

 

 

Cette fois comme tant d’autres, Tomokazu Harimoto ne nous a pas laissé le choix. Si au cours de ses déjà 10 ans de carrière chez les séniors, ce gamin a appris quelque chose à ses adversaires comme aux commentateurs, c’est qu’il n’est pas du genre à prévenir son monde avant de saisir sa chance. La semaine dernière, alors qu’il s’apprêtait à souffler ses 22 bougies, il a survolé la fin du Contender de Zagreb – 3-0 en demi contre Simon Gauzy, 4-0 en finale contre Chen Yuanyu –, s’offrant le plus précieux cadeau d’anniversaire dont un pongiste puisse rêver : un jeu relâché. Numéro 4 mondial, tête de série 1 du tournoi, il a logiquement répondu présent, et on ne peut pas dire qu’il s’agisse là de son plus grand fait d’armes. Sa vraie victoire s’est jouée ailleurs qu’à la table, ce fut une victoire intérieure, existentielle : celle d’être toujours au sommet, dix ans plus tard. 


Enfant des merveilles

De la plupart des joueurs et joueuses de 22 ans, il est assez facile de retrouver les premières apparitions chez les séniors. Au mieux, le WTT existait déjà, au pire, c’était pendant ou juste avant le covid. C’est beaucoup plus dur pour Harimoto, dont la bouille encore jeune contraste avec son ancienneté dans le paysage du ping mondial. Plus on remonte dans le temps, plus la qualité des images baisse, plus les couleurs devenues vintages du ping des années 2010 resurgissent. Il n’est pas si différent de se replonger dans la carrière de Wonder kid que de le faire dans celle de Xiao Pang (“Petit gros”), comme on a longtemps surnommé Fan Zhendong en son pays. Mais à la différence des images, le jeune Tomokazu ne change presque pas : bien sûr il a pris du muscle depuis 2014, grandi de quelques centimètres et laissé pousser ses cheveux, mais ce poing levé, ces rugissements de victoire et cette manière de se contorsionner façon Super Sayien sont restés les mêmes. Il y a quelque chose de Peter Pan chez cet éternel jeunot, dont la précocité a terrifié la planète entière. 

De 2015 à 2018, l’ascension du Japonais fut vertigineuse. De ses premières victoires marquantes contre Omar Assar et Jens Lundqvist lors de l’Open de Safi 2015, à celles, hallucinantes, contre Ma Long puis Zhang Jike à l’Open du Japon 2018 alors qu’il n’a que 14 ans, en passant par son passage de témoin avec Jun Mizutani en 2017, Harimoto est devenu un phénomène planétaire. Jusqu’où irait ce Mozart du ping né au Japon mais d’ascendance chinoise, dont les parents sont d’anciens internationaux ayant émigré au pays du Soleil Levant pour y travailler comme entraineurs ? Avec sa sœur Miwa, de 5 ans sa cadette, il a su tenir une raquette avant même d’apprendre à marcher, et a très vite pris goût à la victoire. On oublie souvent, puisqu’il jouait déjà avec les adultes, qu’il fut champion du monde junior à 13 ans – exploit remarquable au demeurant. Ce n’est qu’une des nombreuses facettes d’un début de carrière sans pareil, où plus que les traverser, Harimoto a littéralement enjambé des étapes tueuses de talents moins éclatants. La vérité se mêle alors à la fiction quand il est dit ici et là que la fin de la formation de Wang Chuqin a eu, parmi d’autres aspects, celui de constituer un jeu anti-Harimoto. 


Visage d’une époque

Basé sur un revers extrêmement rapide et précis, utilisant le coup droit surtout pour finir le point, son ping synthétise les exigences de l’époque. Contemporain dans sa jeunesse des révolutions Tenergy puis Dignics en passant par la balle plastique, Tomokazu Harimoto se trouve à l’exacte jonction entre deux époques, et a ainsi joué un rôle important dans la reconfiguration globale des styles de jeu. Il n’a ajusté le sien que pour pallier l’aspect le plus cruel de la précocité : la menace de la croissance, de la prise de masse musculaire et donc à terme de la baisse de vélocité. Ce qui le caractérise le plus aujourd’hui, c’est une certaine forme d’imprévisibilité. Tomokazu Harimoto ne performe pas toujours. Sa rage de vaincre n’a d’égale qu’une irrégularité nuancée par le très grand nombre de tournois auxquels il participe – un des rares joueurs du Top 10 à ne pas bouder la plupart des Contender. Ici amorphe, là sur un nuage, il a conservé une forme de génie qui fait toujours de lui une menace incontournable du règne chinois, comme en témoigne son affolant quart de finale contre Fan Zhendong aux Jeux de Paris, où il a poussé le futur champion plus loin dans ses limites qu’aucun autre ne l’avait fait et ne le ferait jamais. 

Tomokazu Harimoto fête ses dix ans chez les pros, mais semble perpétuellement en début de carrière, toujours aussi heureux de gagner, et beau joueur quand il perd. L’heure n’est pas au détail de ses records de jeunesse et de son déjà immense palmarès ; nous ferons les comptes plus tard. Pour le moment, nous avons simplement compilé sur le compte Instagram de Ping Pang Effect ce qui sont à nos yeux, pour l’instant, ses dix plus grandes victoires. Las Vegas et le public américain l’attendent. En 2021, lors des Mondiaux à Houston, il avait perdu dès son entrée en lice – à tout juste 18 ans, sa croissance avait été pointée du doigt. Aujourd’hui, Wonder kid est un homme. Et sa légende est écrite depuis longtemps.