Un sacre qui change tout, et l’avènement d’une légende

Un sacre qui change tout, et l’avènement d’une légende

Image : ITTF

 

À la surprise générale, le Brésilien Hugo Calderano a remporté dimanche 20 avril la Coupe du monde de l’ITTF à Macao, après avoir, tour à tour, pris le dessus sur le trio de tête du classement mondial. Un sacre historique qui vient couronner une carrière à laquelle on a beaucoup promis, et qui a su se faire attendre.

 

 

Des pongistes non asiatiques en activité dont on a dit qu’ils rafleraient des titres majeurs, Hugo Calderano est peut-être l’exemple le plus éloquent. À 28 ans, le natif de Rio de Janeiro, n°5 mondial, vient d’accomplir un exploit inédit dans l’ère moderne du ping : battre les Chinois devant leur public – même si Macao n’est qu’une région administrative de la Chine – en tournoi majeur. Pour trouver un exemple similaire, il faut remonter à 2002 et la victoire de Timo Boll, dans cette même compétition, contre Kong Linghui à Jinan. Par ailleurs, la dernière fois qu’un non-Chinois s’est adjugé le titre, c’était en 2017, à Düsseldorf, en la personne de Dimitrij Ovtcharov ; et la dernière fois qu’il s’agissait d’un Sud-Américain, c’était…jamais, Calderano étant le premier de son continent à remporter un tel tournoi. Une victoire qui défit donc tous les paris et statistiques, sublimée par un parcours hors du commun au cours duquel le joueur d’Ochsenhausen a fait tomber un à un les favoris. Celle-là, personne n’osera jamais dire qu’il l’a volée.


Plaie(s) refermée(s)

Souvent malheureux dans les tournois majeurs, Calderano revient de Macao non sans une certaine rédemption. Défait aux mondiaux 2017 et 2019 respectivement par Xu Xin et Ma Long avec des résultats logiques (4-1), il a subi en 2021 un véritable traumatisme aux portes des demi-finales contre Liang Jingkun (menant 3-0, échouant 4-3). Battu au premier tour en 2023 par Brian Afanador (n°74), l’histoire se montrait sans pitié avec le Brésilien. Aux Jeux Olympiques, mêmes désillusions : échec en huitième devant son public en 2016 contre Jun Mizutani (médaillé de Bronze), échec en quart à Tokyo en 2021 contre Dimitrij Ovtcharov (médaillé de Bronze). À Paris, Hugo Calderano fut l’autre grand perdant des Jeux avec Wang Chuqin. Très en forme, expérimenté dans la compétition et tête de série n°4, il avait là l’opportunité de sa vie d’obtenir une médaille historique. Un rêve que lui ont anéanti l’outsider Truls Moregardh (4-2) puis le prodige Félix Lebrun (4-0) dans ce qui restera sans doute comme la grande désillusion de sa carrière. 

S’est ensuivie pour lui une période faite de doutes et de résultats décevants, à l’image de Wang Chuqin. Peu performant en WTT – seulement 8ème de finaliste à Montpellier, au Finals de Fukuoka puis au Singapore Smash, quart de finaliste à Francfort et au China Smash – il venait d’annoncer quitter le club d’Ochsenhausen (où il évoluait aux côtés de Simon Gauzy) pour se concentrer sur sa carrière internationale. Un choix payant, c’est le moins que l’on puisse dire, au regard de cette éclatante victoire qui non seulement donne un souffle nouveau à son classement (il retrouve la troisième place mondiale, devançant Harimoto et Liang Jingkun), mais referme surtout la plaie parisienne. Ce titre majeur qu’on lui a tant promis est enfin entre ses mains. 



Et 1, et 2 et 3 mondial

Symboliquement, il faut dire que son parcours impressionne ; et raconte quelque chose de l’époque actuelle de ping, entre contestations du règne chinois, nouvelles ambitions internationales, et révolutions technologiques. La compétition où le dispositif Table Tennis Review (TTR) est mis en place, ce n’est pas un des favoris chinois – dont les services font polémiques depuis parfois des années – qui gagne. Une réalité qui mérite d’être soulignée, même si elle ne peut à elle seule nuancer les premières heures très discutables du système, notamment en termes de pouvoir accordé aux joueurs et joueuses.

Par ailleurs, hasard des tableaux, Hugo Calderano a mis à terre les équipes nationales japonaise et chinoise. Yukiya Uda, Hiroto Shinozuka et surtout Tomokazu Harimoto (n°3) ont successivement subi sa loi entre les poules et les quarts de finale, puis ce fut le tour de la super star chinoise Wang Chuqin (n°2) au terme d’une rencontre hallucinante et d’une balle de match à inscrire parmi les plus folles de tous les temps. Combien de rencontres de cette physionomie basculent chaque année en faveur de l’armada chinoise, comme cela venait d’être le cas au tour d’avant, en la défaveur de l’Allemand Benedikt Duda ? Cerise sur le gâteau, c’était ce même Wang Chuqin qui l’avait battu sur cette même aire de jeu, l’année dernière. Revanche prise.

Ce qui s’est passé ensuite est peut-être encore plus sidérant. Les Chinois jouent toujours par équipes. Leur force est aussi leur nombre, et le plus grand défi pour un pongiste est de les renverser les uns à la suite des autres, en sachant que la conscience nationale qui les anime fait qu’ils ne sont en principe jamais aussi coriaces que lorsque c’est l’édifice global qui est menacé (rappelons-nous, après qu’Alexis Lebrun a surpris tout le monde en 2023 en battant Fan Zhendong, combien Ma Long avait le tour suivant particulièrement célébré et savouré sa victoire). Ce qui reposait sur les épaules de Lin Shidong (n°1) était donc lourd, si lourd – chose rarissime – qu’il a craqué devant ce Calderano surmotivé après s’être pourtant offert le premier set. Vingt ans après le triplé de Timo Boll à Liège (Wang Liqin, Ma Lin et Wang Hao avaient successivement chuté contre lui), le Brésilien a donc sorti les trois favoris sur le papier pour monter sur la plus haute marche du podium en Coupe du monde. Que reste-t-il à dire ? Ah, oui. Doha, c’est dans trois semaines.