"Il était une star…" ou le ping à l'épreuve du temps présent
Images : New York Times / Louis Vuitton / WTT
Constats autour de la manière dont la notion de star se décline dans l'univers du ping ces derniers temps. Edito initialement paru dans la newsletter du mercredi 26 mars 2025.
Le ping n’a pas attendu les Jeux olympiques pour avoir ses stars, c’est une évidence. De Jan-Ove Waldner à Wang Liqin en passant par Ryu Seung Min, nombre d’entre elles étaient présentes à Paris pour contribuer à cette dynamique à l’œuvre en Europe et en Amérique notamment. Ce n’est pas pour rien que cet été verra les premiers WTT Smashes organisés dans ces deux continents, à Las Vegas en juillet et à Malmö en août. Cependant, là où les personnalités citées (et tant d’autres) ne semblaient pas en mesure de tordre le bras des fédérations, ou de surpasser en notoriété celle du sport lui-même, la notion de star du ping semble aujourd’hui se décliner en de multiples aspects, et d’une manière assez passionnante. Comme si, à mesure qu’il se démocratise, le ping se rapprochait jusque dans son star-system d’autres domaines sportifs ou culturels, et brisait un plafond dont nous ne soupçonnions pas forcément l’existence.
Showbiz
Dans quelques mois, le monde entier découvrira l’existence de Marty Reisman, star américaine du ping des années 50, grâce à Marty Supreme, le biopic de Josh Safdie avec Timothée Chalamet dans le rôle-titre. Le projet est le plus cher jamais produit par le célèbre studio A24 (70 millions de dollars), et a vocation à non seulement brosser le portrait d’un homme, mais aussi celui d’un sport et d’une époque. Il a de plus été confirmé que le film prendrait des libertés vis-à-vis de la réalité des faits ; on n’imagine pas grand monde venir crier à l’outrage. Inconnu d’une immense majorité du public – contrairement à Bob Dylan, que le même Timothée Chalamet a interprété récemment dans le bien titré A Complete Unknown – Marty Reisman sera de fait un personnage de fiction, au-delà de l’homme et du pongiste. L’exposition médiatique historiquement confidentielle du ping joue en la faveur d’un tel film : le rôle supplantera le réel, chose rare dans les biopics.
Autre déclinaison de cette notion de star du ping : le cas de Wang Chuqin, nouvelle égérie de la maison de luxe Louis Vuitton. Fraîchement couronné au WTT Champions de Chongqing (qu’il a survolé au même titre que Sun Yingsha, qui affole aussi le public), il incarne aujourd’hui le changement de dimension économique, culturelle et commerciale du tennis de table. Personnalité la plus suivie sur le réseau social Xiao Hong Shu, chacune de ses interventions et apparitions est scrutée de près par une armada de fans. Depuis qu’il a rejoint l’écurie Louis Vuitton, ces derniers postent par ailleurs des captures d’écrans de leur panier en ligne, avec des sommes dépassant parfois les 200 000 yuans (environ 1200 euros), pour affirmer leur amour pour l’actuel numéro 2 mondial. Sans doute le premier pongiste de l’histoire à devenir une telle icône populaire.
Bras de fer
Être une star du ping aujourd’hui, c’est aussi pouvoir engager des bras de fer avec les très hautes instances, exactement comme on le voit dans d’autres sports. En se retirant des tournois WTT pour protester contre les amendes en cas de non-participation à un Champions ou un Smash, Chen Meng et Fan Zhendong ont créé un séisme. Soutien unanime de leurs anciens rivaux, appels au boycott, démentis, réunions de crise… Le circuit fut en ébullition pendant plusieurs semaines, avec des consultations à n’en plus finir, jusqu’à ce qu’une annonce de taille soit faite par l’instance : une nouvelle ère pour le ping, plus flexible et mieux rémunératrice.
Cependant – hasard de timing – on entrevoit aussi la face plus sombre de ce nouveau star-system. Truls Moregardh, vice-champion olympique et athlète le plus populaire de Suède, serait à l’origine de la démission soudaine du capitaine de l’équipe nationale, Tobias Bergman. Les rumeurs allant bon train, nous resterons prudents quant aux raisons de cette situation. Toujours est-il que dans un communiqué sur les réseaux, Anton Kallberg, Mattias Falck et Kristian Karlson se sont exprimés : “Nous étions impatients de commencer à travailler avec Tobias, qui possède de grandes compétences et a un engagement énorme envers le ping. Il a remporté de grands succès avec l'équipe nationale féminine et a fait beaucoup pour les ping suédois. Nous vous demandons à tous de penser qu'il s'agit d'une vie humaine. Ce que Tobias a dû endurer n'est pas bien.” En plus d’interroger, l’absence de la signature du quintuple champion de Suède témoigne du fait qu’il ne vit plus complètement dans le même monde que ses collègues. Les réseaux sociaux enflamment la fracture entre les stars et tous les autres. Ambiance.