L’électron libre de Levallois

L’électron libre de Levallois

Image : Rémy Gros / FFTT

 

Comme chaque année, les championnats de France ont permis à des visages méconnus de venir défier les tout meilleurs. C’est le cas du Normand Romain Brard, tête de série 30, qui a incarné à lui seul l’adage selon lequel “sur un match, tout peut arriver”. Edito initialement paru dans la newsletter du jeudi 3 avril.

 

C’est le propre d’un tel tournoi d’avoir son joueur surprise, l’électron libre dont il est impossible de prévoir le surgissement et les ravages. L’anticiper, c’est déjà lui ôter ce statut, et faire de lui une menace à surveiller, à ne pas laisser naître. L’année dernière, c’est le défenseur Rémi Betelu qui, alors qu’il était à Montpellier chez lui, avait surpris tout le monde en s’offrant Paul Gauzy en 32ème de finale, puis Jules Rolland en 16ème. À Levallois, c’est le Normand Romain Brard qui a rendu fous tout le monde. N°90 français, parti tête de série 30, il s’est tour à tour défait de Hugo Deschamps (n°118), Esteban Dorr (n°35) et Lilian Bardet (n°40), membre de l’équipe de France, pour se hisser en quart de finale. Il aura fallu ni plus ni moins qu’Alexis Lebrun, n°2 et triple tenant du titre, pour stopper son ascension, au terme d’un match à la physionomie fascinante. 

Pendant les trois premiers sets, Romain Brard n’a pas vu la balle. Attendu au tournant par le Montpelliérain conscient de ses exploits, il a subi des balles d’une nature nouvelle, beaucoup plus lourdes et puissantes, qui firent plonger dans le filet la plupart de ses blocs. Plusieurs fois il s'est retourné vers son coach pour chercher des réponses sur comment contrôler ces topspins. Le match semble si facile pour le numéro 9 mondial que celui-ci, l’esprit déjà en demi, passe totalement à côté de la quatrième manche. Un classique. Au coaching, Jeremy Surault le remet dedans, car de son côté, Brard garde le cap, de plus en plus à l’aise en bloc et surtout en contre-top. Commence alors le scénario piège de cette édition, et peut-être – outre la finale – le set le plus galvanisant du tournoi. Alexis offre son meilleur ping, et Romain se met à jouer top 20 mondial, jusqu’à sauver trois balles de match, dont une, vertigineuse, au cours de laquelle son adversaire se verra forcé de sortir de l’aire de jeu et d’aller rendre visite à Camille Lutz sur celle d’à côté.

Trois sets à deux. La rencontre n’a strictement plus rien à voir avec ce qu’elle était quinze minutes plus tôt. Les deux hommes font jeu égal, avec peut-être même un léger avantage mental pour Romain Brard. La sixième manche sera celle de la délivrance pour le tenant du titre, dont le calme aura raison des prises de risque du Lillois. Score final : 4-2, et de loin la victoire la plus difficile d’Alexis sur ces championnats de France. Interrogé par Ping Pang Effect à l’issue du match, Romain Brard a évoqué sa révolte des quatrième et cinquième sets : « Je me dis, il y a 3-0, je suis tendu et je n’ai rien montré pendant le match. Avec mon coach, on se dit que je dois me relâcher : allez, on kiffe, c’est les championnats de France, je suis devant 3000 spectateurs, il faut profiter. Et alors j’ai réussi à repartir de l’avant et à gagner le set suivant, et celui d’après. » Alexis a mis cette intensité deux fois au cours du tournoi : contre Félix en finale, et contre Romain en quart. C’est dire s’il n’est pas passé loin de l’exploit.